mercredi 10 février 2010

Dans l’air du temps

La traduction, ça alourdit ou ça allège, c’est selon.
Pour les titres de films, anyway, on ne traduit plus, c’est plus simple (sauf pour les films ouzbeks, remarque), mais même sans traduire, il se passe des choses, des fois.
Comme ça, ni vu ni connu, hop.












Je ne sais pas ce qu’en penserait le personnage joué par George Clooney dans son film Up in the air… en bon pragmatique, ce consultant en plans sociaux, payé à parcourir les USA pour annoncer aux salariés leur licenciement, trouverait certainement cela… économiquement rationnel (moins de lettres, plus de lisibilité pour le titre ?).

Tout le film repose ainsi sur la métaphore de l’avion… avion qui est devenu la 2de maison de ce cadre nomade qui passe 300 jours par an loin de chez lui… avion qui lui permet de survoler la vie et sa propre vie, sans jamais se poser…

Alors pourquoi ce « up » disparu dans le titre français ? Volonté de réduire ?

Isn’t it ironic, pour un film qui aborde de face d’autres réductions, d’effectifs, celles-là ! Car la nouvelle comédie de Jason Reitman est bien… dans l’air du temps : authentique film de crise, ou comment gagner sa vie à virer des vrais gens, avant de repartir dans le vert paradis ronce de noyer des VIP rooms des aéroports et des lounge bars des Hiltons ?

Nourri de fausses pistes scénaristiques (duel avorté type La relève entre jeune rookie et vieux singe qui a des heures de vol, histoire d’amour « 2ème chance » (n’importe quelle comédie avec Hugh Grant)…), Up in the air, sous ses apparences légères, est un constat amer du fossé de plus en plus large et profond qui sépare l’élite des simples quidams… ceux qui ont la carte VIP et ceux qui ne l’ont pas.

Up, Up, Up… 2 petites lettres disparues au fronton en VF du nouvel opus confondant d’intelligence du réalisateur de Thank you for smoking et de Juno, qui s’affirme film après film comme bien plus qu’un petit malin, mais un vrai auteur, qui parvient à concilier efficacité commerciale… et hauteur de vue !

Comédie drôle quoiqu’élégamment désespérée, Up in the air ose ainsi un discret mais amer éloge de la bonne vieille lutte des classes, en confrontant les cols blancs blackberrysés accroc à leurs miles avec les victimes de leurs décisions corporate prises sur excel.

Bien entendu, le héros, sobrement incarné par whatelse George, va prendre conscience du néant dans lequel il flotte, et comme dans toute bonne comédie américaine, va se transformer, pour rejoindre une vision moins cynique et plus humaine du monde (famille, amour et Cie).

Mais contrairement à ces happy ends moralistes qui nous pourrissent les plus réjouissantes idées régressives (cf quelques Jim Carrey : Menteur menteur, Bruce tout puissant…), le jeune réalisateur prend un malin plaisir à concocter un final doux-amer.

Et ce ne sont pas les quelques trous d’air clicheteux, notamment sur la prise de conscience du héros (le discours avorté final sur sa théorie du sac à dos vide, déjà vu et inutile de lourdeur) qui vont nous gâcher le plaisir de ce survol de notre si joli monde.

Alors la traduction d’un titre, ça ne change pas un film, bien sûr, pas plus que ce « up » mystérieusement disparu, mais on a largué au passage un peu de la dynamique du film, de son envol, après justement le monde coton-nuageux du générique de début.

Le downsizing étendu au titre de film, si c’est pas une extension du domaine de la lutte, ça…,


In the air (Jason Reitman, USA, 2009)
Avec George Clooney, Anna Kendrick, Vera Farmiga, Jason Bateman...

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