mardi 29 septembre 2015

Ex Machina : et Dieu créa la femme

Dessiner comme Van Gogh ? Composer comme Vivaldi ? Jouer comme Thelonious Monk ?
L’Intelligence Artificielle sait déjà faire, les preuves en images ici.

De là à créer un programme qui passe le test de Turing…. vous savez, l’Imitation game créé pour répondre à la question ‘une machine peut-elle penser ?’ - non, non, don’t worry,  pas un mot ici sur le biopic d’Alan Turing avec Benedict Cumberbatch, épouvantable machine à oscars écrite par un robot-scénariste, probablement !

Non, parlons plutôt de cette merveille qu’est Ex Machina, ode à l’intelligence artificielle signée Alex Garland, quelque part entre Asimov et… Frankenstein !


I, robot
Un jeune informaticien est sélectionné par son génial gourou-employeur pour participer à l’évaluation d’une nouvelle forme d’intelligence artificielle, incarnée dans un séduisant robot féminin. Bien évidemment, le Turing test va être pollué par les sentiments, et le trio entre le créateur démiurge, sa troublante créature mi-robot/mi-femme et le jeune homme va progressivement déraper…

 Au-delà de l’intrigue diabolique – on y revient dans quelques lignes – Ex Machina fascine par son atmosphère unique, confinée, et ses acteurs en état de grâce.

Cette ambiance claustrophobique est bien sûr liée au décor incroyable de la maison de Nathan, repaire de verre et de métal en pleine nature, baies vitrées sur la forêt vierge, couloirs immaculés de vaisseau spatial, le tout entièrement piloté par ordinateur – sésames-ouvre-toi  obligatoires !


Mais la grâce du montage, le lent enchaînement de scènes répétitives, petit-déjeuner, séances de test, couchers, les déambulations dans ces couloirs métalliques, ces chambres comme autant de cellules de prison dorée – tout contribue à cette impression d’enfermement, réminiscence de 2001 et de son voyage interstellaire.
Et tel Dave qui faisait du jogging dans le module tournant de son vaisseau, Nathan passe son temps à entraîner son corps…

Parlons-en de Nathan, ce gourou Steve-jobesque, avec sa barbe à la Kubrick, justement, interprété par Oscar Isaac avec une désarmante authenticité. Sur le papier, c’est clair, le personnage est un archétype du film fantastique, Dr Frankenstein/Docteur Moreau qui se prend pour Dieu, à coups de citations biblico-philosophiques et qui in fine perd le contrôle de ses créatures.  Bref l’ermite high-tech qui vit en reclus, manipulateur et démiurge, génie solitaire et alcoolisé.

Et pourtant, Isaac, par le naturel de son jeu, rend chacune de ses scènes inattendues, pour composer un être complexe, qui garde son mystère - un être humain.

Quant à la créature, ici, elle revêt le doux visage et la parfaite plastique d’Alicia Vikander, ce qui est à la fois un judicieux choix esthétique et une belle manipulation du public qui va, comme l’excellent Domhnall Gleeson, succomber au charme de la gracieuse quoique cybernétique donzelle.

Last but not least, ce qui fait d’Ex Machina un petit chef-d’œuvre du genre, c’est sa manière élégamment décalée d’aborder un thème archi-classique, en jouant explicitement sur les mythes, Platon et sa caverne, Promethée et son orchestre, etc. Et difficile ici de ne pas évoquer son plus illustre prédécesseur dans le genre, Blade runner.

Do androids dream of electric sheep ?
A 30 ans d’écart, les deux films abordent avec un égal bonheur, malgré un langage cinématographique totalement différent, le thème de la frontière floue entre humains et robots.
Mais alors que Ridley Scott montrait avec noirceur et poésie des humanoïdes qui éprouvent des sentiments humains, Alex Garland joue plutôt avec les humains…

Sean Young - Blade Runner
Attention - SPOILERS - Ne pas lire la suite si vous n'avez pas encore vu ce bijou.

Je m’explique : Ava, splendide IA, est bien la création qui tue son Dieu pour exister, moderne créature de Frankenstein… légèrement plus sexy, j’en conviens ! Ce qui est moins classique, c’est la façon dont Caleb est littéralement PROGRAMMÉ par Nathan pour tomber amoureux d’elle.

Car c’est en se basant sur tout l’historique de données du jeune homme, ses fantasmes répertoriés, son histoire personnelle, son profil de navigation sur Internet, que Nathan crée, sur mesure, l’idéal féminin du jeune homme. Et que croyez-vous qu’il arrivât ? Can’t help fallin’ in love.

Morale de l’histoire : le robot fait-il vraiment preuve d’humanité, en se libérant de ses chaînes et de son créateur ? Peut-être. Mais ce qui est sûr, c’est que c’est l’humain qui peut aujourd’hui être programmé pour ressentir un sentiment, à travers l’analyse de tous nos comportements. Et je vous épargne la programmation génétique, la PNL et autres joyeuseté de ère big-dataesque qui est la nôtre. Pour preuve, l'hallucinante scène où le jeune informaticien finit par se faire saigner, dans sa salle de bains, pour vérifier qu'il est bien... humain !

Alors ex-Machina comme nouvelle variation sur le thème classique des machines qui vont devenir humaines, ou bien comme volonté de décryptage du mystère humain, à travers sa plus belle expression, le sentiment amoureux ? 



Ex Machina, Grande-Bretagne, 2015 - Alex Garland


dimanche 8 mars 2015

Fais comme l’oiseau (or the unexpected virtue of déjà-vu)

Des grands films schizophrènes, il y en a des palanquées, et Birdman vient s’ajouter aujourd’hui à cette prestigieuse lignée.

Dérive dépressive de star de blockbuster sur le retour qui tente de se racheter une virginité artistique en jouant du Carver à Broadway, incarnée par un Michael Keaton peu à peu envahi par son double super-héros, le nouvel Innaritu est en équilibre sur le mince fil qui sépare la représentation de la réalité.

Miroir, ô miroir, suis-je plus beau...


... que Natalie dans Black Swan ?
Avec son casting haut de gamme en auto-parodie permanente (Naomi Watts et Ed Norton, sexy et impressionnants), Birdman ose un filmage en plan-séquences qui fait ainsi de l’intrigue une pièce dans la pièce, interrogations métaphysico-alcoolisées sur l’éternel dilemme entre l’œuvre d’art et le produit commercial, sur un ton de comédie de boulevard. Unité de temps, d’action (les 3 jours avant la première de la pièce), et de lieu (le théâtre, scène et coulisses), très peu de personnages, c’est un peu du théâtre filmé, ou bien un film théâtral, ou bien…. bref, on voit bien le projet.

On le voit tellement, que ce qui fait l’intérêt mais aussi la limite du film, c’est qu’il reprend et cite avec jubilation les codes des films schizo qu’on aime.

Elena Harring chez Lynch embrasse-t-elle mieux...
... que Andrea Riseborough chez Innaritu ?
Mulholland Drive (tiens, Naomi Watts), Fight Club (oh, Ed Norton), Black swan (euh….eh, un gars en collants noirs avec des ailes – ha !), le délire du héros qui se dédouble et sombre dans la folie, en jouant avec le spectateur – ce qui est vrai, ce qui est dans la tête du personnage - , la métaphore permanente sur l’acteur et son rôle, les regards dans le miroir de la loge, les bouffées délirantes, le jeu avec le masque, le sentiment de supériorité vs la plèbe, on retrouve tout cela dans Birdman.

Et bien sûr, bien sûr, tous les films de super-héros, archétypes de doubles personnalités, Clark Kent, Pete Parker et autre Tony Stark. Bruce Wayne, évidemment (ben oui, sots). C’est dans ces citations explicites, ses références, son name-dropping assumé, que Birdman peine à prendre son envol, et tel l’albatros du poète, fait un peu du vol stationnaire au-dessus de Times Square.

Dire que les acteurs sont des monstres d’égoïsme qui négligent leur famille et ne pensent qu’à eux … que les médias sociaux sont une prime à la connerie immédiate… que les films d’action sont des grosses daubes pour décérébrés et que les acteurs qui troquent Hamlet pour des slips rouge et des capes sont des rouages de la machine à produire du pop-corn… ouaip,  j’ai comme l’impression que ce n’est pas une révélation ?

Mon truc...

... en plume
Soyons honnêtes, la satire est assez jouissive, la mise en scène virtuose, et Norton et Keaton qui se battent en slibard, comme des chiffonniers, dans les coulisses, sous les yeux médusés des techniciens, ça vaut le détour, mais on est loin de la noirceur de Sunset Boulevard, Opening Night ou All about Eve.

Bref, tout cela manque un peu de légèreté et d'originalité, ce qui fait perdre quelques plumes à ce bel objet aussi brillant qu'agaçant.






lundi 14 novembre 2011

Crazy Horse : La chair est triste (et lasse)

Si Fred Wiseman choisit d’introduire et de conclure son nouveau film Crazy Horse sur un montreur d’ombres chinoises, qui fait et défait de ses mains autant de personnages éphémères, c’est que lui-même procède ainsi, comme documentariste.

Crazy horse est en effet un luxueux montage alterné de numéros du célèbre cabaret parisien et des instantanés des coulisses, autour de la création du nouveau spectacle chorégraphié par Philippe Découflé.

Tout le projet réside donc dans ce va-et-vient permanent entre le glamour du spectacle offert aux touristes attablés devant leur (mauvais) champagne, et les échanges très prosaïques des costumiers, techniciens, danseuses et autres chargée des réservations.
Pour cela, Wiseman choisit de filmer les numéros dansés in-extenso, caméra souvent fixe, au plus près des corps, priorité à l’ouverture… des jambes, temps de pose calculé… à la fesse près !
A l’inverse, les scènes « off » sont souvent savoureuses, séances de travail rugueuses, répétitions laborieuses, loges exiguës des danseuses, interviews du directeur artistique aux logorrhées verbales aussi comiques qu’interminables. Les petites mains derrière le show ne sont pas oubliées, perruquiers, garçons de salles ou photographes des clients, à travers de sobres vignettes sans parole, témoignage de routines invisibles…
Ici, on est loin du Ohlala-le-Crazy-c’est Paris-et-Paris-c’est-Crazy, juste une communauté de travail au rythme quotidien qui veille, chaque soir, inlassablement, au plaisir des palettes de touristes déversés de leurs cars et taxis… simples ouvriers  de la dernière industrie française, j’ai nommé le «Paris-by-night » !
Du glamour et du cinéma vérité souvent drôle... alors d’où vient l’ennui alors ? Ce sentiment de voir passer les 2h14 du film ?

D’abord, le parti-pris des séquences sur scène accentue les  principes esthétiques de ce type de spectacle de nu, exhibition de formes dans de savants jeux de lumières, parfois sans même cadrer les visages, jusqu’à faire des seins et des fesses de pures… abstractions ! Des images de coraux ou d’insectes étranges, déshumanisées, voire désérotisées !
Plus grave encore, le principe même de l’alternance entre scène et coulisse, lumière et ombre, le décor et son envers, à force d’être répété tout au long du film, finit par lasser et ne tient pas la distance.
Je me souviens de ce moment du Mulholland Drive de David Lynch… sur la scène du cabaret Silencio, la chanteuse Dolores Del Rio apparaît, s’approche du micro… et entonne avec fougue une complainte déchirante.
Filmée de très près, lumière aveuglante des projecteurs sur le grain de sa peau… et tout-à-coup, elle s’effondre sur scène, évanouie. Et la musique continue. Et on continue d’entendre sa voix chanter.
En une seconde, le play-back a dévoilé l’artifice, la chanteuse est redevenue une femme, et dans la salle, le personnage incarné par Naomi Watts comprend, comme en contrepoint, que sa propre vie a été une illusion…

Rien de tel dans Crazy horse ; en choisissant de ne jamais filmer l’entrée ni la sortie de scène, ni de filmer les planches depuis la coulisse, Wiseman décide de ne jamais rapprocher les deux mondes, comme s’ils étaient étanches, séparés.
Et c’est ce qui fait que l’émotion n’est jamais présente : on ne voit JAMAIS comment ces femmes ordinaires, en coulisse, deviennent des icônes sous les projecteurs, et  comment ces moments de spectacle, où le temps est comme suspendu, retombent une fois le rideau tiré.
Au final, si l’on voulait être aussi boursouflé de prétention que l’inoubliable directeur artistique du film, on pourrait dire que Frederick Wiseman livre avec Crazy horse sa version de la caverne de Platon, jouant avec l’illusion et l’artifice… plus prosaïquement, je crains simplement que ses partis-pris radicaux aboutissent à une œuvre lisse et vaguement ennuyeuse.
Un peu comme si le génial documentariste n’était ici que l’ombre de lui-même (ah ah).

Crazy horse (Frederick Wiseman, France-USA, 2011)

samedi 29 octobre 2011

Drive : Conduite intérieure (très) noire


Elle vous saute aux… oreilles, cette musique. Des nappes synthétiques planantes, mystérieuses, parsemées de chansons qui fleurent bon le romantisme clinquant du début des années 80…
Elle est omniprésente dans Drive, de Nicolas Winding Refn – synthés tonitruants, boîtes a rythmes, relents de Giorgio Moroder : à l’image des titres du générique,  un rose tellement bonbon qu’il en est inquiétant !

Et pourtant,  c’est à une autre chanson des années 80, qui ne figure pas dans la remarquable BO signée Cliff Martinez (compositeur attitré de Soderbergh : Traffic, L’anglais, etc.), que le film me fait  penser.

1984
The Cars
Drive, sur l’album Heartbeat City
Allez, embarquez et lancez ici la chanson, tout en lisant la suite…


Who's gonna tell you when,
It's too late,
Who's gonna tell you things,
Aren't so great.
 
Entre le film et la chanson, une synchronicité de titre bien sûr, mais surtout  une parenté d’univers. Ambiance suspendue, poétique, un emballage sucré et coloré, pour un propos désenchanté, amer et violent.

You can’t go on, thinkin',
Nothings' wrong, but bye,
Who's gonna drive you home,
tonight ?

Le jour, il est pilote pour des cascades à Hollywood, et la nuit il est chauffeur pour des braquages.  Mutique, on ne sait rien de son passé, ni de ses pensées, on sait seulement que tout cela va mal se finir, forcément.

Sa vie bien organisée, où le risque est géré avec méthode et froideur, va changer avec une rencontre amoureuse, qui va le conduire a sortir de sa vie et a vivre son destin. Ce n’est certainement pas dans le scenario qu’il faut chercher l’intérêt du film : ce pur film noir aux envolées romantiques s’inscrit dans une tradition qui remonte aux plus belles heures des grands studios.

Who's gonna pick you up,
When You fall?
Who's gonna hang it up,
When you call ?


Non, ce qui fait du film un bijou qui scintille longtemps, longtemps, c’est sa forme, ses reflets, ses ondulations.  Cadrage composé au millimètre, lumières travaillées comme on n’en avait plus vues depuis le Ridley Scott des années 80, une stylisation extrême, fluide, aérienne comme les vues de LA la nuit, poétiques, reminiscences du Collateral de Michael Mann…

Refn nous conduit avec souplesse là où il l’entend, avec des dérapages plus ou moins contrôlés, comme ces accès de violence, ces accélérations du récit qui nous laissent pantois, de ralentis lyriques… et au fil du film, l’état du héros ne s’arrange pas !

Who's gonna pay attention,
To your dreams?
And who's gonna plug their ears,
When you scream ?


Bien sûr on pense au de Palma de Body Double, au Lynch de Wild at heart, au Scorsese de Taxi Driver, et le jeu de Gosling se situe quelque part entre Steve « Bullitt » McQueen et Nic « Sailor » Cage, passant sans transition du mutisme détaché au pétage de plomb hagard…

Mais il y a une incongruité, une forme d’humour saugrenu, comme ce blouson qui se tâche peu à peu mais que le héros conserve absurdement sur lui, et même le décalage entre le jeu doux, presque féminin de Gosling et l’ultraviolente tarantinienne subite qui l’anime dans certaines scènes.

You can't go on, thinkin'
Nothings wrong, but bye,
(who's gonna drive you)
(who's gonna drive you)
Who's gonna drive you home, tonight?
(who's gonna drive you home)

Alors The Cars, oui, car comme dans leur hymne des années 80, Drive mêle sophistication et sincérité, esthétique séduisante et profondeur des sentiments, au son d’un electro désuet et nostalgique.


Drive (Michael Winding Refn, USA, 2011), avec Ryan Gosling, Carey Mulligan, Ron Perlman, Albert Brooks

mardi 9 août 2011

The Tree of life : un film "Deux en un" ?

Un 2 en 1, ce n’est pas seulement un shampooing + après-shampooing ou une description de scène trioliste dans quelque porno, non, un 2 en 1, c’est aussi une sorte très particulière de film.

Nos amis de l’excellentissime site Nanarland.com en donnent la définition suivante :
« Procédé consistant à sortir un long métrage composé de rushes issus de différents films (allant de deux à l'infini), qui sont ensuite assemblés via le montage, avec différentes astuces - par exemple un nouveau doublage de l'ensemble - pour assurer un minimum de cohérence »
Selon les cas, soit le réalisateur qui récupère des scènes d’un film précédent tente de créer un semblant de lien entre les 2 films (champ-contre-champ de deux personnages au téléphone, par exemple), soit le film devient un grand n’importe quoi avec deux intrigues distinctes sans vrai rapport.

Très utilisée dans des films de ninja ou de Godzilla, la technique permet de faire plusieurs films avec les mêmes scènes, dans une logique de recyclage très développement durable, finalement.
Terrence Mallick n’a pas la réputation d’un cinéaste de séries Z, certes. Il n’a jamais réalisé Flic ou ninja ni L’arrière-train sifflera trois fois… et pourtant, pourtant, à la vision de The tree of life, on pense parfois à un bon vieux 2 en 1.

En effet, Mallick, dans sa volonté d’imbriquer deux récits parallèles, l’un décrivant la vie quotidienne d’une famille américaine des années 60, l’autre nous présentant rien moins que la création du monde, big bang, magma originel, premières cellules et dinosaures inclus, nous livre une œuvre déroutante et bancale.

Car autant la description de l’enfance et de l’adolescence d’un jeune homme, entre sa mère aimante (remarquable Jessica Chastaing) et son père strict (excellent Brad Pitt), sont décrits avec justesse et sensualité, autant le volet documentaire sur les origines du monde se révèle d’un ennui cosmique, voire confine au ridicule, avec une scène de dinosaure digne, justement, d’un bon vieux nanar préhistorique.

On voit bien l’ambition du film : confronter infiniment grand et infiniment petit, la naissance du monde et celle d’un individu, l’arbre de vie du titre se référant à la correspondance mystérieuse entre les deux.

Mais le résultat confine au grandiloquent, et je vous épargne le final clairement religieux, tout droit sorti d’une vidéo des Témoins de Jéhovah, symboles mystiques lourdingues et message messianique qu’on est libre de ne pas supporter.

Pour tout vous dire, j’ai même fini par espérer retrouver, dans ces dernières scènes de retrouvailles entre vivants et morts, notre petit dinosaure, pour un duel au soleil avec Brad Pitt, comme dans un de ces bons nanars qui ont au moins le mérite de ne pas se prendre au sérieux !

mardi 5 juillet 2011

Une date de sortie, ça cache toujours quelque chose

Deux versions pour un même film, l'une internationale, l'autre destinée au public anglo-saxon...


mercredi 22 septembre 2010

Toy Story 3 : moins vers l'infini, plus vers l'au-delà !

Quand Mr Patate croise Bergman
Une œuvre profonde et saisissante sur le thème de la mort. Un voyage initiatique vers l'acceptation de notre finitude, ouais, ouais.

Le 7ème sceau, de Bergman ?


Dead man, de Jarmusch ?


Non.


Toy Story 3, de Lee Ulkrich.

Le dernier-né des Studios Pixar dissimule en effet, sous sa fantaisie et ses couleurs, un manifeste humble mais grave sur la mort ; autrement dit : avec Woody et Buzz, viens faire un tour dans le theme park de la grande faucheuse !

La meilleure preuve ?
Le climax de l'opus 3 de TS3 se révèle être un apocalyptique moment d'acceptation de la mort - scène dite de l'incinérateur - au cours de laquelle nos petits héros vont, un à un, en se regardant au fond de leurs yeux de plastique, se donner la main pour affronter, devenus sereins, l'enfer du feu qui les attend.
Résignés à leur destin, ils n'attendent plus que l'ultime épreuve.

D'accord, il se trouve qu'un deus-ex-machina va les sauver, mais on peut se demander s'il n'est pas de la même nature que celui du film Brazil – souvenez-vous de Bob de Niro, super plombier surgissant du ciel sur un filin avec les résistants pour sauver le héros sur le point d'être lobotomisé. A la fin du pur chef d'œuvre de Terry Gilliam, on comprendra que celui-ci l'a en réalité bien été – lobotomisé – et que son sauvetage n'a eu lieu que dans son esprit désormais vidé...

Alors, de la même façon, les jouets n'ont-ils pas déjà péri et inventé leur survie à ce dernier épisode de leurs aventures ?

En effet, plus largement, c'est toute l'intrigue de Toy Story 3 qui sonne comme un voyage nostalgique vers une mort inévitable. Si, si.

Regardez l'enfant, Andy : il a maintenant 17 ans et va partir à l'Université. Bien sûr, il ne joue plus depuis longtemps avec ses jouets, qui sont sensés partir au grenier, destin auquel ils se sont résignés. Mais le destin en décide autrement, et tous les jouets se retrouvent dans une étrange garderie, dont ils auront toutes les peines du monde à sortir pour rejoindre Andy !

Et - nouveau signe - cette garderie est divisée en deux espaces... L'un où est tout est calme et doux, pays des enfants sages, donc paradis des jouets... L'autre où on retrouve les plus petits enfants, les plus excités, qui malmènent leurs jouets et leur font subir des châtiments incessants - à base de bave, de morve, d'arrachage de petites pièces, de coloriages hasardeux... Les nouveaux jouets doivent d'abord passer par cette épreuve, avant peut-être de rejoindre le havre de paix !

Jolie parabole du Paradis et du Purgatoire, non ? Avec dans le rôle de Satan, un nounours, forcément boiteux... et qui sent la fraise – ca change du soufre !

Il se trouve qu'on ne peut espérer sortir de la garderie que par le... vide-ordure ! Remarquez, c'est par là que les héros, finalement, sortiront de leur prison dorée. Et l'improbable évasion qui les y mènera, avant qu'ils ne se retrouvent par accident dans l'incinérateur sus-cité (vous suivez ?), sonne là aussi un peu comme une fiction.

Mais oui, m'enfin, la clé du scénario se trouve dans la scène inaugurale du film, poursuite incroyable dans le far-west, avec train, chevaux, vaisseaux spatiaux, dinosaure géant...où tout semble vrai – surtout avec la magie 3D – avant que l'on nous montre que tout est en réalité dans l'imagination d'Andy, qui joue simplement avec ses jouets dans sa chambre !

Eh bien, de la même façon, il est probable que les joujoux ont juste été jetés à la poubelle, direction Crâme-city, où il n'y a pas que leurs espoirs qui ont fondu... Bah, même pour les cow-boys d'opérette comme Woody, il faut savoir tourner l'apache...

Ce n'est donc pas un hasard si le film commence vraiment dans sa dernière partie, où le récit s'accélère, l'intensité s'accroît, et les blagues sont enfin drôles ! Comme si les dialoguistes et animateurs pouvaient enfin se lâcher, hors du carcan de la réalité qui empèse tout le début, et ne fait que répéter les deux premiers épisodes, en moins bien.

Enfin, le (très émouvant) final de Toy Story 3 n'est-il pas un peu trop beau pour être vrai ? Comme une résurrection... mais les résurrections, ça se fait rare, ces temps-ci, non ? (Jean-Pierre Chevènement, peut-être).

Mine de rien, Pixar ose donc le jouet comme métaphore universelle de la condition humaine, rien que ça, et va ici jusqu'au bout de son ambition.

Ainsi, la dernière image avant les crédits est un plan de nuages blancs sur un ciel bleu, image paradisiaque s'il en est – d'ailleurs, la première image de Toy Story I n'était-elle pas... un plan de nuages blancs sur un ciel bleu, sur le papier peint de la chambre d'Andy ? La boucle est bouclée.

Au final, c'est bien de la mort dont parle TS3, et pas juste de la fin de l'enfance. Le départ d'Andy pour la vie d'adulte sonne bien le glas de la vie des héros de la saga signée Pixar.

Et si la conclusion de ce dernier épisode a tout du bouquet final, par sa drôlerie et son émotion, c'est aussi qu'elle sonne comme un adieu à Woody, désormais le jouet d'une illusion...


Toy Story 3 (Lee Unkrich, 2010, USA).