vendredi 16 avril 2010

Adèle Blanc-sec : la coupe est pleine !

Pourquoi ça ne marche plus ?

Pourquoi a-t-on adoré Le Dernier combat, Le 5ème élément, Léon, Nikita, et même Subway, et pourquoi on s'ennuie aujourd'hui à Adèle Blanc-Sec ?

Je me souviens du Dernier Combat. Vu en VHS quelques années après la sortie, puis revu en salle... pour moi, un chef d'œuvre. Abstrait, intense, sophistiqué, en un mot : neuf.

Je me souviens de Subway : oui c'était branché, clinquant, frimeur, mais ça m'avait fait l'effet du Diva de Beineix : une jubilation à suivre Jean-Hugues Anglade en roller dans le métro, et la chanson de Rickie-Lee Jones sur le slow d'Adjani et de Christophe Lambert au faite de sa gloire néon-péroxydée...

Je me souviens de Gary Oldman et de la ptite Natalie Portman, de Parillaud hurlant son nom aux flics « NIKITAAAAA »...et Bruce Willis si cool dans son taxi volant sur lequel atterrit Leeloo-Jovovich !

Et aujourd'hui... je viens de voir Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-sec.

Soyons honnête, l'intrigue conserve une bonne partie du sel des BD de Tardi, univers foutraque, ambiance de comédie fantastique matinée de feuilleton d'avant-guerre, fantasque, où tout est possible : dinosaure, momies ressuscitées, des mystèèèères, une héroïne dure-à-cuire, le Paris d'avant-guerre... alors comment peut-on rater un film comme celui-là ?

D'abord, let's talk about « the Besson's touch », ce ton désinvolte, trivial, décontracté, qui se veut cool... et en fait creux et artificiel ! Comique troupier, répliques trop écrites mais mal écrites, vannes à deux balles, qui alourdissent l'action, dignes d'un vieux Chuck Norris – rhââ les action movies des années 80 !

La touche Besson, ce sont aussi les personnages, monoblocs, superficiels, caricaturaux : flics stupides, toujours dépassés par les évènements, lourds et vulgaires (remember les Taxi et la plupart des productions Besson), l'amoureux transi donc bégayeur, les politiciens couards ET libidineux, etc etc.

Simples silhouettes de cartes à jouer ? Pourquoi pas si stylisation il y avait, mais non, pas vraiment... malgré les postiches, on n'est ni dans Dick Tracy ni dans Sin City !

Alors les acteurs font ce qu'ils peuvent : Louise Bourgoin en Adèle est charmante et dynamique, et remplit son contrat avec talent, mais elle ne joue que sur une seule note ; on imagine ce qu'une Julie Depardieu ou une Sylvie Testud en aurait fait ?

Autour d'elle, des comédiens excellents mais clairement sous-employés : Amalric méconnaissable, Gilles Lellouche ridicule et avec guère d'espace, Jean-Paul Rouve qui - limite - rejoue un personnage des Robins !

Soyons fair, tout n'est pas à jeter malgré tout : l'intrigue garde une fantaisie certaine, et la direction artistique est très réussie, avec une attention particulière sur les génériques de début et de fin, de jolies idées de transition entre les scènes, et de belles créations visuelles (les momies sont trop mortelles).

Mais bon, ça ne suffit pas à faire un film... à peine une belle bande-annonce.

Comme si Besson, à force de ne s'inspirer que de cinéma, ne faisait que répéter à l'infini du déjà vu ailleurs : par exemple, Adèle commence comme Amélie !
Plus exactement, le film débute exactement comme un JP Jeunet : voix off très précise pour présenter les personnages (pendant ce temps, à 542 mètres, blabla...), filmage des tronches en contre-plongée...
Un peu plus loin, la partie Égyptienne, ratée, tellement ratée, n'est qu'une resucée d'Indiana Jones et de La Momie, et ainsi de suite. Et je vous passe les clins d'oeil (c'est le cas de le dire) à Jurassic Park, Titanic, son propre Jeanne d'Arc...

Au final, un cinéma devenu archétype parfait ! Et alors qu'à ses débuts, c'est l'esthétique de Besson qui était critiquée comme étant « publicitaire », c'est aujourd'hui le fond de son cinéma qui est devenu de la pub : pure représentation de clichés qui nous font penser à d'autres films (plus réussis, en général).

Ainsi, de créateur qui enterrait le cinéma de papa et lui redonnait une nouvelle vie dans les années 80, Luc Besson est devenu le fossoyeur de sa propre créativité, et son entêtement à ne pas s'ouvrir à des scénaristes, dialoguistes autres que lui-mêmes, fait qu'on n'espère plus la moindre résurrection de celui qui fut notre idole.

Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec (Luc Besson, France, 2010)
Avec : Louise Bourgoin, Matthieu Amalric, Gilles Lellouche, Jean-Paul Rouve...

PS : cadeau-bonus, pour le fun :

samedi 3 avril 2010

Alice est comme ça

Nous voilà de retour au Pays des Malices de Lewis Carroll.

En compagnie d'une Alice toujours blonde mais devenue grande, presque femme. Et c'est dans le terrier de lapin de ce « presque » que réside le ressort de ce nouvel Alice aux Pays des Merveilles, signé Tim Burton.


Car Alice a oublié qu'elle est déjà venue dans ce monde, enfant, et son retour résonne comme une répétition légèrement différente, dont chaque étape familière, Chat du Cheshire, Lièvre de Mars ou Chapelier fou, prend un relief nouveau, en devenant épreuve initiatique vers l'age adulte. Avec la jeune fille, nous allons revivre ces rencontres successives, nous aussi avec des yeux différents – nous aussi, petits, sommes déjà passés par là...

Alice dans le monde réel, qu'on veut fiancer contre son gré, Alice dans ses fantasmes, toujours trop grande ou trop petite : presque mariée, presque adulte (presque-purée) ! Le monde d'Alice est quelque part au bord du presque, sans père, sans repère...

Le décor : Wonderland, comme terrain rêvé pour l'imaginaire de Burton, où les prouesses numériques permettent l'impossible : bestiaire baroque, chiens fidèles, souris intrépide, Jabberwocky mythique, horizons infinis, châteaux en Pixelland, mais le réalisateur ne se laisse pas totalement enfermer par cette technologie permanente.

Avec une grande cohérence visuelle, Tim ne fait pas du Burton : certains le regrettent - côté un peu lisse - d'autres s'en délectent - un délice - car le maître ne fait pas dans le facile ! L'univers est ici chatoyant, coloré, bourré de trouvailles, familier dans la geste burtonienne, mais aussi d'une sophistication folle.

Certes, l'ensemble manque de rythme et d'intensité, scènes enchainées dans un luna park sans profondeur de champ. De même, peu d'esprit nonsensique au menu, mais après tout, pour cela, relisez Lewis Carroll, sots !

Tim Burton remplit son contrat d'une relecture grand public mais de qualité. Rendons grâce aux reines Bonham-Carter et Hattaway qui font merveille de singularité, reine rouge, reine blanche, la gentille aussi blanche et givrée que la méchante est écarlate de fureur !

Johnny, au top, avec une nouvelle création en Chapelier fou : bien sûr il travaille du chapeau, mais dans la nuance et l'ambiguité, et le cas Depp s'en tire encore comme un chef...

Un peu lisse certes, mais sensass, cette glissade au bord du presque !
Bref, une jolie idée de nous faire revenir, avec Alice, au Pays des Merveilles.

PS :
Shame on Avril Lavigne, BO débile – ça c'est Disney – sur le pourtant ravissant tableau-générique 3D de fin...

« Sur fond de rock & roll s'égare mon Alice
Aux pays des malices de Lewis Carroll. ».


Alice aux pays des merveilles (USA, 2010, Tim Burton).
Avec : Mia Wasikowska, Johnny Depp, Helena Bonham-Carter, Anne Hattaway, Crispin Glover...