lundi 17 mai 2010

Le film dont tu es le héros !

- Et alors, c'est bien Kick ass ?
- Ouais, sympa, le film de geek, quoi !
- Mais c'est bien ?
- Ben, tu vois, c'est bien le film de geek, quoi !


Le héros de Kick ass, Dave (Aaron Johnson, nouveau venu à suivre) est un ado mal dans ses baskets, qui traîne avec ses semblables binoclards, pas sportifs, sans nanas. Ils passent leur vie dans des livres, dans des films, sur des jeux vidéos en ligne, sur Internet et dans les magasins de comic books.

Comme tout geek qui se respecte, Dave n'est pas à l'aise dans la vraie vie, et son truc à lui pour la fuir est de se demander pourquoi personne n'essaie d'être un super-héros dans la réalité. Il se met donc dans l'idée d'en devenir un lui-même, bien qu'il n'ait aucun pouvoir ! Il se lance dans la rue, avec une combinaison achetée sur Internet et s'invente un nom cool : ce sera « Kick ass » !

Comment ce gamin sans histoire va devenir un phénomène médiatique, à coup de You tube et de Facebook ; comment vont débouler dans sa vie deux autres super-héros, anges de vengeance tout droit sortis de Kill Bill, papa (Nicolas Cage) et sa fifille de douze ans (épatante Chloe Moretz). Ultra violents, ils tranchent singulièrement avec le ton gentil du film, et vont amener notre super-héros de cour d'école à affronter un vrai grand méchant, chef mafieux sans scrupules !

Selon wikipedia, la définition du geek est : « personne passionnée, parfois de manière intense, par un domaine précis. Il s’emploie entre autres dans le domaine de l’informatique ainsi que dans celui de la science-fiction. ».

Si la robotique a 3 lois, la geekitude, elle, en a 5, fondamentales, chacune étant suffisante mais non-nécessaire.
Profitons de la sortie de Kick ass pour les formaliser... nous les appellerons les 5 lois du Film Geek, ta-ta-taaaa !

Loi n° 1 : Le film dont vous êtes le héros

Tel l'albatros du poète, lourd et maladroit sur le pont du bateau, le geek, à l'image de Dave dans Kick ass, ne trouve pas sa place dans la société, et n'attend qu'une chose, s'envoler pour d'autres mondes alternatifs.

Un bon film de geek, c'est donc d'abord souvent un film dont vous, geek, êtes le héros !

Souvenons-nous d'autres films de geeks célèbres :
- Retour vers le futur, avec fuite du jeune Marty dans des réalités alternatives futures, quitte à s'y reprendre à plusieurs fois dans la trilogie, pour parvenir à la réalité idéale,

- Matrix bien sûr : Néo, lui-même informaticien dans son cubicle – le top du geek – que l'« on » vient chercher sur son ordinateur,

- Brazil, autre célèbre oeuvre-culte geek, où - attention spoiler - le héros en train d'être torturé à mort va fuir définitivement la réalité en imaginant son sauvetage par un mouvement de résistance !

Allons plus loin : Luke Skywalker dans l'épisode 4 de Star Wars, n'est-il pas une sorte de geek ? Adolescent désœuvré sur sa planète paumée, sans copine, il n'attend qu'une chose : qu'on vienne le chercher pour vivre une aventure inter-galactique qui va le faire devenir un héros de légende !

- Oui, mais Bruce Wayne alors, il est mal dans sa peau d'ado, c'est ça ?


Loi n° 2 : Choisissez un genre non-réaliste !
Certes.
Si Batman ou Le seigneur des anneaux sont adorés par nos amis geeks, cela peut être aussi lié à leur genre même, bien entendu. Les films de SF ou d'Heroic-Fantasy, en tant qu'uchronies, recréations d'un univers alternatif et cohérent, peuvent être largement considérés comme films de geeks : Conan, Terminator, Blade Runner, Dark City, Star Trek, Willow...

Le film de Super-héros en fait aussi partie, bien sûr ! Sam Raimi, célèbre geek, se projette totalement dans ses Spiderman en Peter Parker, loser malingre, qui n'arrive pas à conclure avec cette becasse de Mary-Jane... Mais un beau jour, grâce à un heureux accident, il devient un Super-héros et sera reconnu par petits et grands – cool – et en plus, il pourra pecho la rouquine voisine !

- Hé, Tarantino est une idole geek, et pourtant il ne met en scène ni superbonzhommes, ni ptits hommes verts ni guerrières aux seins nus, que je sache ?

Loi n° 3 : Citez vos références !
Gnak-gnak.
Kick ass répond effectivement aussi à cet autre loi de geekitude : citer explicitement ses références ! On y trouve en permanence des citations de films par la voix-off, des affiches de Mike Mignola au mur, des gimmicks sonores d'Ennio Morricone, etc. !

En gros, je vois le monde à travers mes références : regardez Clerks, petit bijou uniquement construit sur les délires de deux vendeurs de video-clubs.

- Oui mais le personnage qui explose tout dans Kick ass, c'est une nana, Hit-girl, et ça, c'est pas très geek, non ?

Loi n°4 : Cherchez (pas) la femme !
Pfff....
Ce n'est pas la petite Hit-girl, ou même Trinity (Matrix), personnages actifs à caractère, qui changeront les choses : avec leur côté garçon manqué, elles ne représentent qu'une sorte de sidekick idéal, simple « Robin » à jupette !

En effet, dans le film de Matthew Vaughn comme dans la plupart des geek-movies, les femmes sont assez rares, ou alors objets de fantasme avant tout, moteurs de l'action mais rarement actives. Ici, les seules femmes sont ainsi une jolie petite copine spectatrice du récit et enjeu de l'aventure, une mère décédée et une prof à forte poitrine.

Dernier standard essentiel de la geekitude : le monde des ados contre le monde des adultes.

Loi n°5 : La guerre des mondes
Le geek est cool, l'adulte ne comprend rien. Dans Kick-ass, on est dans un monde sans autorité : les parents sont morts ou transparents, la police est corrompue et la justice inexistante ! Quant aux professeurs, ils sont réduits à des fantasmes pré-pubères.
Les vrais adultes actifs sont... les méchants ! Particulièrement le chef mafieux que vont affronter nos héros, entouré de sa palanquée de tueurs.

… est-ce un bon film pour autant ?
Au final, le film de Vaughn cumule donc les 5 lois du vrai film geek : héros geek qui s'invente une autre vie (1) et devient un super-héros 2), qui cite explicitement des films et visuellement des jeux vidéos (3), considère les femmes comme de simples enjeux scénaristiques avec de gros seins (4), et qui affronte le monde des adultes (5) !

Intrigue sympathique, efficace mélange de 1er et de 2d degré, des bons gags, un mauvais goût assumé, d'excellents acteurs.., mais à force de citer Tarantino ou les Wachowski, on en vient à se demander... ici, où est le souffle d'une vraie mise en scène, où est la singularité du ton, où est la virtuosité des chorégraphies visuelles, bref où est l'originalité ?

Eh bien, nulle part !
Kick ass
est juste un petit film drôle de super-héros, moins réussi dans le style « canardage hénaurme » que Mr & Mrs Smith par exemple ; et dans le genre parodie de super-héros, on peut presque préférer le plus ringard mais moins branché Mystery Men, avec Ben Stiller !

Le mot de la fin à Alexandre Astier (Kaamelott) autre geek célèbre, joli hommage à un phénomène qui, de marginal, devient de plus en plus mainstream :
"Un geek est une personne qui ne parvient pas à trouver une raison satisfaisante
de devenir adulte."

Kick ass (Matthew Vaughn, USA, 2010)
Avec : Aaron Johnson, Nicolas Cage, Chloe Moretz

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