vendredi 28 mai 2010

The Duellists : First they meet, then they fight !

Film culte.
Film culte.
Qu’est-ce que ça veut dire, « Culte » ?

Est-ce que ça veut dire « Chef d’œuvre » ? Ou bien « film d’une génération », couleur Grand Bleu ? Phénomène sociologique qui fait (La) Boum ? Ou alors classique intouchable sur l’étagère poussiéreuse de la cinéphilie moribonde (essayez avec l’accent de Frédéric Mitterrand, ça passe mieux, tout de suite) ?
Mon film culte à moi, c’est pas pour m’vanter, mais y a des chances pour que vous l’connaissiez pas, ou vaguement, comme ça…oui, donc Culte plutôt dans le style prétentieux pour happy few…

Je ne l’ai pas découvert au détour du Festival Essences et Métempsycose au Pathé de Belfort en mars 1987… ni dans un vieux bac à VHS en import direct, marqué d’un Z comme Série Z…

Non, c’était à la télé.
Je me souviens, la première fois, un après-midi à la télé, je devais avoir 10 ou 11 ans, quel émerveillement… C’est comme de tomber amoureux, on ne choisit pas, poum ça arrive, eh bien un après-midi, je suis tombé amoureux d’un film. Sans raison, comme ça.

Durant une bonne partie de leur vie, deux officiers de la Grande Armée s’affrontent dans une suite de duels aussi sauvages qu’absurdes. Embarqués chacun de leur côté dans la longue épopée napoléonienne, Ferraud le prolétaire (Harvey Keitel) et D’Hubert l’aristocrate (Keith Carradine) vont se croiser épisodiquement, au détour de villes de garnison, de champs de bataille, et au fil des années, la haine va gouverner leur vie, rythmée par des affrontements de plus en plus violents.

La raison de cette passion destructrice ? Rien, ou si peu, du futile, de l’honneur, mais en fait ce sont deux mondes qui s’affrontent …Deux hommes, deux styles, deux personnalités. Le révolutionnaire exalté contre le gentleman qui survit, le riche contre le pauvre, le peuple contre le bourgeois, celui qui s’adapte aux vainqueurs face à celui qui reste fidèle à lui-même. L’un qui est né pour perdre, l’autre pour gagner… Danny Wilde vs Brett Sinclair.


En parallèle à la vraie guerre, de France jusqu’en Russie, le film retrace une petite guerre privée à mort entre deux hommes du même camp. Pistolet, épée, sabre… les armes changent, les hommes montent en grade, les modes vestimentaires évoluent, les traits se creusent, les années passent, mais la haine persiste.

Leur affrontement se révèle aussi absurde dans ses motifs que la guerre entre les peuples, elle en souligne l’absurdité, car on sait bien que les guerres sont souvent voulues par des hommes pas très différents de Ferraud et D’Hubert, mus eux aussi par leurs instincts, et qui entraînent leurs peuples dans la violence sous quelque prétexte futile…… Vanité sous les oripeaux de l’honneur…

Le premier film de Ridley Scott, en 1977, est une merveille absolue. Loin d’être un film de guerre en costumes, Duellistes est un drame sans grandes batailles ni millions de figurants… une guerre intime plutôt qu’une fresque épique, un portrait croisé de deux hommes dans la mêlée.

Evidemment, tout le génie visuel de Scott est déjà à l’œuvre : tableaux sublimement encadrées et éclairés, campagne à l’aube, lumière rasante, Russie enneigée en pleine débâcle, tavernes enfumées, costumes incroyables, coiffures stupéfiantes, éclairages à la bougie…

Depuis cet après-midi là, un jour de vacances, j’ai toujours ressenti tous les films de Ridley Scott de façon particulière… Alien, Blade Runner, Legend, Thelma et Louise, Gladiator, et même le mal aimé Traquée… oui, sauf peut-être GI Jane, et quelques autres très oubliables (1492, cette catastrophe boursouflée) ! Même Hannibal m’a fait rire, par son cynisme, son autodérision et son grand guignol assumé. Une indulgence immense donc, certes, et tout ça… vient de Duellistes.

Mais bon, film-culte, c’est un peu exagéré, non, me direz-vous ? Duellistes est en effet généralement considéré comme un joli petit film, propret… et effectivement, l’histoire est un peu sage, le filmage trop appliqué, esthétisant, sans doute, et les personnages sans grande surprise… et pourtant…

J’ai revu Duellistes depuis, souvent, j’en ai vu toute ses faiblesses, ses facilités… j’ai compris qu’il n’est qu’un sous-Barry Lyndon… mais l’émerveillement persiste.

Harvey Keitel, Keith Carradine, les tenues de hussard, les décolletés des prostituées de guerre, la fureur du duel au sabre dans une grange, avec lumière diffuse passant à travers les planches… ce duel au petit matin, verte prairie… merveille… ce lever de soleil final sur un paysage du sud-ouest de la France… magique.

Magique... non pas grâce aux histoires d’amour de D’Hubert, jolies mais classiques... (pas de love story avec Ferraud, je vous préviens, on n’est pas dans un « First they meet, then they fight, and in the end they fuck » (Formule déposée, Copyright Khaali)) !
Non, c’est avant tout la relation entre les deux hommes qui est fascinante. Une vraie passion, une passion haineuse, destructrice, rare, simple, dont l’absurdité touche au métaphysique, mine de rien, quand elle va devenir pour Ferraud une raison de vivre…


Je l’ai souvent montré, ce film, aux gens que j’aimais, avec divers résultats, des remarques du style « pas mal », et même, une fois, un charmant endormissement avant la fin ! Heureusement, il n’y a pas que pour moi que Duellistes est culte… entre autres, cette passion, je la partage depuis ce jour d’enfance avec mon frère…

Quinze ans plus tard, un jour, il a justement ramené de voyage un magnifique poster original du film, avec son accroche qu’aujourd’hui encore, je trouve sublime, je ne saurais dire pourquoi (peut-être parce qu’elle a le goût de mes 10 ans) :

Fencing is a science.
Loving is a passion.
Duelling is an obsession
Ce poster, mon frère me l’a prêté quelques années, manifeste sur le mur de mes chambres d’étudiants ; et puis un jour il l’a récupéré, mis sous cadre de verre et affiché dans le couloir de son appartement.

Finalement, cultes ou pas cultes, les souvenirs finissent toujours dans des boîtes.

The Duellists (Ridley Scott, UK, 1977)
Avec : Keith Carradine, Harveil Keitel, Cristina Raines...

2 commentaires:

  1. Bizarrement, métempsycose ne s'écrit pas comme psychose ; je ne prétends pas que ce soit un commentaire pertinent pour un article aussi fouillé, mais on ne se refait pas...
    CZ

    RépondreSupprimer