dimanche 8 mars 2015

Fais comme l’oiseau (or the unexpected virtue of déjà-vu)

Des grands films schizophrènes, il y en a des palanquées, et Birdman vient s’ajouter aujourd’hui à cette prestigieuse lignée.

Dérive dépressive de star de blockbuster sur le retour qui tente de se racheter une virginité artistique en jouant du Carver à Broadway, incarnée par un Michael Keaton peu à peu envahi par son double super-héros, le nouvel Innaritu est en équilibre sur le mince fil qui sépare la représentation de la réalité.

Miroir, ô miroir, suis-je plus beau...


... que Natalie dans Black Swan ?
Avec son casting haut de gamme en auto-parodie permanente (Naomi Watts et Ed Norton, sexy et impressionnants), Birdman ose un filmage en plan-séquences qui fait ainsi de l’intrigue une pièce dans la pièce, interrogations métaphysico-alcoolisées sur l’éternel dilemme entre l’œuvre d’art et le produit commercial, sur un ton de comédie de boulevard. Unité de temps, d’action (les 3 jours avant la première de la pièce), et de lieu (le théâtre, scène et coulisses), très peu de personnages, c’est un peu du théâtre filmé, ou bien un film théâtral, ou bien…. bref, on voit bien le projet.

On le voit tellement, que ce qui fait l’intérêt mais aussi la limite du film, c’est qu’il reprend et cite avec jubilation les codes des films schizo qu’on aime.

Elena Harring chez Lynch embrasse-t-elle mieux...
... que Andrea Riseborough chez Innaritu ?
Mulholland Drive (tiens, Naomi Watts), Fight Club (oh, Ed Norton), Black swan (euh….eh, un gars en collants noirs avec des ailes – ha !), le délire du héros qui se dédouble et sombre dans la folie, en jouant avec le spectateur – ce qui est vrai, ce qui est dans la tête du personnage - , la métaphore permanente sur l’acteur et son rôle, les regards dans le miroir de la loge, les bouffées délirantes, le jeu avec le masque, le sentiment de supériorité vs la plèbe, on retrouve tout cela dans Birdman.

Et bien sûr, bien sûr, tous les films de super-héros, archétypes de doubles personnalités, Clark Kent, Pete Parker et autre Tony Stark. Bruce Wayne, évidemment (ben oui, sots). C’est dans ces citations explicites, ses références, son name-dropping assumé, que Birdman peine à prendre son envol, et tel l’albatros du poète, fait un peu du vol stationnaire au-dessus de Times Square.

Dire que les acteurs sont des monstres d’égoïsme qui négligent leur famille et ne pensent qu’à eux … que les médias sociaux sont une prime à la connerie immédiate… que les films d’action sont des grosses daubes pour décérébrés et que les acteurs qui troquent Hamlet pour des slips rouge et des capes sont des rouages de la machine à produire du pop-corn… ouaip,  j’ai comme l’impression que ce n’est pas une révélation ?

Mon truc...

... en plume
Soyons honnêtes, la satire est assez jouissive, la mise en scène virtuose, et Norton et Keaton qui se battent en slibard, comme des chiffonniers, dans les coulisses, sous les yeux médusés des techniciens, ça vaut le détour, mais on est loin de la noirceur de Sunset Boulevard, Opening Night ou All about Eve.

Bref, tout cela manque un peu de légèreté et d'originalité, ce qui fait perdre quelques plumes à ce bel objet aussi brillant qu'agaçant.






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