samedi 29 octobre 2011

Drive : Conduite intérieure (très) noire


Elle vous saute aux… oreilles, cette musique. Des nappes synthétiques planantes, mystérieuses, parsemées de chansons qui fleurent bon le romantisme clinquant du début des années 80…
Elle est omniprésente dans Drive, de Nicolas Winding Refn – synthés tonitruants, boîtes a rythmes, relents de Giorgio Moroder : à l’image des titres du générique,  un rose tellement bonbon qu’il en est inquiétant !

Et pourtant,  c’est à une autre chanson des années 80, qui ne figure pas dans la remarquable BO signée Cliff Martinez (compositeur attitré de Soderbergh : Traffic, L’anglais, etc.), que le film me fait  penser.

1984
The Cars
Drive, sur l’album Heartbeat City
Allez, embarquez et lancez ici la chanson, tout en lisant la suite…


Who's gonna tell you when,
It's too late,
Who's gonna tell you things,
Aren't so great.
 
Entre le film et la chanson, une synchronicité de titre bien sûr, mais surtout  une parenté d’univers. Ambiance suspendue, poétique, un emballage sucré et coloré, pour un propos désenchanté, amer et violent.

You can’t go on, thinkin',
Nothings' wrong, but bye,
Who's gonna drive you home,
tonight ?

Le jour, il est pilote pour des cascades à Hollywood, et la nuit il est chauffeur pour des braquages.  Mutique, on ne sait rien de son passé, ni de ses pensées, on sait seulement que tout cela va mal se finir, forcément.

Sa vie bien organisée, où le risque est géré avec méthode et froideur, va changer avec une rencontre amoureuse, qui va le conduire a sortir de sa vie et a vivre son destin. Ce n’est certainement pas dans le scenario qu’il faut chercher l’intérêt du film : ce pur film noir aux envolées romantiques s’inscrit dans une tradition qui remonte aux plus belles heures des grands studios.

Who's gonna pick you up,
When You fall?
Who's gonna hang it up,
When you call ?


Non, ce qui fait du film un bijou qui scintille longtemps, longtemps, c’est sa forme, ses reflets, ses ondulations.  Cadrage composé au millimètre, lumières travaillées comme on n’en avait plus vues depuis le Ridley Scott des années 80, une stylisation extrême, fluide, aérienne comme les vues de LA la nuit, poétiques, reminiscences du Collateral de Michael Mann…

Refn nous conduit avec souplesse là où il l’entend, avec des dérapages plus ou moins contrôlés, comme ces accès de violence, ces accélérations du récit qui nous laissent pantois, de ralentis lyriques… et au fil du film, l’état du héros ne s’arrange pas !

Who's gonna pay attention,
To your dreams?
And who's gonna plug their ears,
When you scream ?


Bien sûr on pense au de Palma de Body Double, au Lynch de Wild at heart, au Scorsese de Taxi Driver, et le jeu de Gosling se situe quelque part entre Steve « Bullitt » McQueen et Nic « Sailor » Cage, passant sans transition du mutisme détaché au pétage de plomb hagard…

Mais il y a une incongruité, une forme d’humour saugrenu, comme ce blouson qui se tâche peu à peu mais que le héros conserve absurdement sur lui, et même le décalage entre le jeu doux, presque féminin de Gosling et l’ultraviolente tarantinienne subite qui l’anime dans certaines scènes.

You can't go on, thinkin'
Nothings wrong, but bye,
(who's gonna drive you)
(who's gonna drive you)
Who's gonna drive you home, tonight?
(who's gonna drive you home)

Alors The Cars, oui, car comme dans leur hymne des années 80, Drive mêle sophistication et sincérité, esthétique séduisante et profondeur des sentiments, au son d’un electro désuet et nostalgique.


Drive (Michael Winding Refn, USA, 2011), avec Ryan Gosling, Carey Mulligan, Ron Perlman, Albert Brooks

1 commentaire:

  1. Great song, sounds like a great film - oh and. great critique!!

    F

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