mercredi 22 septembre 2010

Toy Story 3 : moins vers l'infini, plus vers l'au-delà !

Quand Mr Patate croise Bergman
Une œuvre profonde et saisissante sur le thème de la mort. Un voyage initiatique vers l'acceptation de notre finitude, ouais, ouais.

Le 7ème sceau, de Bergman ?


Dead man, de Jarmusch ?


Non.


Toy Story 3, de Lee Ulkrich.

Le dernier-né des Studios Pixar dissimule en effet, sous sa fantaisie et ses couleurs, un manifeste humble mais grave sur la mort ; autrement dit : avec Woody et Buzz, viens faire un tour dans le theme park de la grande faucheuse !

La meilleure preuve ?
Le climax de l'opus 3 de TS3 se révèle être un apocalyptique moment d'acceptation de la mort - scène dite de l'incinérateur - au cours de laquelle nos petits héros vont, un à un, en se regardant au fond de leurs yeux de plastique, se donner la main pour affronter, devenus sereins, l'enfer du feu qui les attend.
Résignés à leur destin, ils n'attendent plus que l'ultime épreuve.

D'accord, il se trouve qu'un deus-ex-machina va les sauver, mais on peut se demander s'il n'est pas de la même nature que celui du film Brazil – souvenez-vous de Bob de Niro, super plombier surgissant du ciel sur un filin avec les résistants pour sauver le héros sur le point d'être lobotomisé. A la fin du pur chef d'œuvre de Terry Gilliam, on comprendra que celui-ci l'a en réalité bien été – lobotomisé – et que son sauvetage n'a eu lieu que dans son esprit désormais vidé...

Alors, de la même façon, les jouets n'ont-ils pas déjà péri et inventé leur survie à ce dernier épisode de leurs aventures ?

En effet, plus largement, c'est toute l'intrigue de Toy Story 3 qui sonne comme un voyage nostalgique vers une mort inévitable. Si, si.

Regardez l'enfant, Andy : il a maintenant 17 ans et va partir à l'Université. Bien sûr, il ne joue plus depuis longtemps avec ses jouets, qui sont sensés partir au grenier, destin auquel ils se sont résignés. Mais le destin en décide autrement, et tous les jouets se retrouvent dans une étrange garderie, dont ils auront toutes les peines du monde à sortir pour rejoindre Andy !

Et - nouveau signe - cette garderie est divisée en deux espaces... L'un où est tout est calme et doux, pays des enfants sages, donc paradis des jouets... L'autre où on retrouve les plus petits enfants, les plus excités, qui malmènent leurs jouets et leur font subir des châtiments incessants - à base de bave, de morve, d'arrachage de petites pièces, de coloriages hasardeux... Les nouveaux jouets doivent d'abord passer par cette épreuve, avant peut-être de rejoindre le havre de paix !

Jolie parabole du Paradis et du Purgatoire, non ? Avec dans le rôle de Satan, un nounours, forcément boiteux... et qui sent la fraise – ca change du soufre !

Il se trouve qu'on ne peut espérer sortir de la garderie que par le... vide-ordure ! Remarquez, c'est par là que les héros, finalement, sortiront de leur prison dorée. Et l'improbable évasion qui les y mènera, avant qu'ils ne se retrouvent par accident dans l'incinérateur sus-cité (vous suivez ?), sonne là aussi un peu comme une fiction.

Mais oui, m'enfin, la clé du scénario se trouve dans la scène inaugurale du film, poursuite incroyable dans le far-west, avec train, chevaux, vaisseaux spatiaux, dinosaure géant...où tout semble vrai – surtout avec la magie 3D – avant que l'on nous montre que tout est en réalité dans l'imagination d'Andy, qui joue simplement avec ses jouets dans sa chambre !

Eh bien, de la même façon, il est probable que les joujoux ont juste été jetés à la poubelle, direction Crâme-city, où il n'y a pas que leurs espoirs qui ont fondu... Bah, même pour les cow-boys d'opérette comme Woody, il faut savoir tourner l'apache...

Ce n'est donc pas un hasard si le film commence vraiment dans sa dernière partie, où le récit s'accélère, l'intensité s'accroît, et les blagues sont enfin drôles ! Comme si les dialoguistes et animateurs pouvaient enfin se lâcher, hors du carcan de la réalité qui empèse tout le début, et ne fait que répéter les deux premiers épisodes, en moins bien.

Enfin, le (très émouvant) final de Toy Story 3 n'est-il pas un peu trop beau pour être vrai ? Comme une résurrection... mais les résurrections, ça se fait rare, ces temps-ci, non ? (Jean-Pierre Chevènement, peut-être).

Mine de rien, Pixar ose donc le jouet comme métaphore universelle de la condition humaine, rien que ça, et va ici jusqu'au bout de son ambition.

Ainsi, la dernière image avant les crédits est un plan de nuages blancs sur un ciel bleu, image paradisiaque s'il en est – d'ailleurs, la première image de Toy Story I n'était-elle pas... un plan de nuages blancs sur un ciel bleu, sur le papier peint de la chambre d'Andy ? La boucle est bouclée.

Au final, c'est bien de la mort dont parle TS3, et pas juste de la fin de l'enfance. Le départ d'Andy pour la vie d'adulte sonne bien le glas de la vie des héros de la saga signée Pixar.

Et si la conclusion de ce dernier épisode a tout du bouquet final, par sa drôlerie et son émotion, c'est aussi qu'elle sonne comme un adieu à Woody, désormais le jouet d'une illusion...


Toy Story 3 (Lee Unkrich, 2010, USA).